Récits des Philippines
Récits des Philippines
Le conseiller volontaire Jim Ross réalise depuis 2003 des affectations de SACO en aquaculture, en gestion de bassins versants et en protection environnementale. Dans le texte qui suit, il nous parle de deux rencontres locales marquantes faites en affectation aux Philippines.
Jofel
J’ai rencontré Jofel à Buguey, aux Philippines, en 2009.
Jofel avait une bonne réputation dans la région. Il avait travaillé aux États-Unis pendant 11 ans avant de revenir aux Philippines. Je lui ai demandé s’il avait pris sa retraite. Non, m’a-t-il expliqué, il était simplement devenu fatigué.
Avant son aventure aux États-Unis, Jofel avait été un conseiller municipal de Buguey, mais il ne souhaitait pas renouer avec sa carrière politique. Il estimait pouvoir en faire davantage pour sa communauté en tant que simple citoyen. À cette fin, il a donc mis en place une petite entreprise privée de microfinancement pour répondre aux besoins de la population locale.
La famille de Jofel est propriétaire d’étangs piscicoles en amont du pont de Buguey, dans un chenal de la rivière principale. La terre avait appartenu à son père, un des premiers pisciculteurs de la région. Son père avait été propriétaire de 1 500 hectares de terre dans ce secteur, la plupart étant couverts d’une épaisse mangrove. À l’époque, le père et la mère de Jofel ont creusé leurs étangs de poissons à la main. Ils ont aussi creusé le chenal à partir de la rivière pour amener l’eau saumâtre dans laquelle cultiver leurs poissons et crevettes. Initialement, ils comptaient apporter l’eau directement par des tuyaux à partir du nord de la mer de Chine, mais l’idée s’est avérée trop coûteuse. Au fil des ans, ils ont vendu près de la moitié de leurs terres. Jofel avait pratiqué la pisciculture sur les 800 derniers hectares jusqu’à son départ pour les États-Unis.
Jofel était profondément intéressé au mieux-être de sa communauté et à l’amélioration de l’environnement de la lagune de Buguey. Il m’a dit qu’autrefois la lagune était en santé et donnait une bonne production aux pisciculteurs de la région, mais que maintenant, elle n’était plus en bon état. Selon lui cela se doit en grande partie à une série de vannes qui limitent l’écoulement des ruisseaux affluents. Il croit que ces vannes ont changé l’écologie de la lagune au cours des 20 dernières années et que cela s’est traduit par la perte de nombreux emplois et par la disparition presque totale de la manière de vivre de la population locale.
Jofel souhaite que, d’une quelconque façon, ils puissent éventuellement remettre en état le régime de l’eau salée de la lagune et qu’à nouveau il puisse jouir de la pisciculture et revoir prospérer la lagune.
Nager avec Victor
Victor a plus de 70 ans et toute sa vie il a été un pêcheur marginal dans le barangay de Bil-isan sur l’île de Panglao, aux Philippines. Presque tous les soirs, il quitte la plage à bord de sa petite embarcation et se rend à environ un kilomètre de la côte. C’est là qu’il passe la nuit, pêchant avec sa ligne à main, une lumière pendant à la proue du bateau pour attirer les poissons.
Je suis venu à Bil-isan en affectation SACO à la demande du Bohol Marine Triangle afin d’effectuer une étude sur la durabilité des zones marines protégées. Cette question inquiète beaucoup les pêcheurs locaux qui dépendent de l’écosystème marin pour leur subsistance. Le récif de corail a souffert des pratiques passées de surpêche, de pêche à la dynamite et des dommages causés par les ancres de bateau. Le blanchiment des coraux, un effet des changements climatiques, a maintenant ravagé le récif. L’association locale de pêcheurs, la Bil-isan Fisherfolk Association, a entrepris la surveillance biologique du secteur. L’Université Silliman a fourni les instructions quant aux techniques de surveillance et à l’identification des espèces. L’Association dispose de très peu d’équipement, mais ses membres compensent cette lacune par leur enthousiasme et leur dévouement.
Victor est le président de la Fisherfolk Association. Il préside également le comité de la zone marine protégée de Bil-isan et il est membre du conseil de gestion du Bohol Marine Triangle. Quand la pêche n’est pas bonne, ou quand son moteur se brise, il se rend au poste de garde qui surplombe cette aire marine protégée qu’il aime tant et il y passe la nuit entière pour veiller à ce que personne ne braconne la réserve. Pour lui, il s’agit d’un travail important.
Le jour où nous devions visiter le site de Bil-isan, Victor nous a amenés, ma femme Linda et moi, au bureau du barangay pour nous présenter les représentants. Puis nous sommes partis sur les récifs. Les lunettes de natation de Victor étaient probablement les plus vieilles du monde, retenues en un morceau par du fil de pêche! Lors de cette plongée en apnée au-dessus du récif, Victor s’arrêtait parfois pour identifier quelque chose d’intéressant ou pour m’expliquer la pertinence d’un petit organisme quelconque. Victor n’est pas allé à l’école très longtemps, mais il possède de vastes et profondes connaissances.
Victor m’a dit que sa femme lui reproche parfois d’aller travailler dans la zone marine protégée. Je lui ai demandé ce qu’il lui répondait quand cela se produisait.
« Mon amour, lui dit-il, je fais ça pour nos petits-enfants. »
Nous avons été si impressionnés par l’engagement de Victor, par sa compréhension et par sa perspective globale, que je lui ai donné mon masque et mon tuba quand je suis parti. J’ai aussi dédié mon rapport à Victor, rappelant son dévouement envers son rêve de laisser un héritage à ses petits-enfants.
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